« Achetez moins » – Patagonia augmente ses ventes!

Vous l’aurez peut-être vu, Patagonia a lancé il y a quelques années une campagne intitulée « Buy Less ». L’entreprise incitait ses (potentiels) clients à acheter moins, afin d’être plus responsables, plus soucieux de l’environnement. Un exemple des plus frappants ici et un article intéressant peut être lu .

Pendant les 2 ans qu’a duré cette campage, Patagonia a … augmenté ses ventes de 38%.Patagonia Buy Less

Alors, peut-on dire que le fabricant de vêtements américain a fait preuve d’une hypocrisie sans pareil? A mon avis, non. On peut même parler de génie. En effet, cette campagne Buy Less est couplée avec le fait que Patagonia propose des produits de grande qualité, qui plus est « garantis à vie ». Par conséquent, si je prends le parti de cette campagne et décide d’acheter moins, je vais typiquement me tourner vers ce genre de produits – peut-être un peu plus chers mais que je pourrai garder longtemps, et donc acheter moins sur le long terme.

Ce qui est intéressant de noter ici, du point de vue de la responsabilité sociale, c’est que Patagonia définit les règles du jeu. La compagnie dit qu’il faut acheter moins – elle pointe donc du doigt un « problème »: la surconsommation. Et justement, la solution à ce problème, Patagonia vous la propose en mettant à votre disposition des produits de qualité, qui dureront très longtemps.

La définition des enjeux, la définition des règles du jeu, la mise à l’agenda des problèmes qui doivent être traités, tout cela doit être primordial dans la création d’une stratégie d’entreprise prenant en compte la RSE. Si une entreprise arrive à prendre ce rôle de définition de l’agenda, elle aura une avance significative sur ses concurrents.

Communication sociale et environnementale: quels canaux?

J’ai récemment lu un article intéressant sur la façon dont les entreprises communiquent à propos de leur performance environnementale et sociale. Un élément a particulièrement attiré mon attention, il s’agit de ce graphique:

How companies learn that a company is socially responsible

Ce graphique décrit la façon dont les gens apprennent qu’une compagnie est responsable. Se dégagent assez largement en tête trois media: expérience personnelle avec le produit/la compagnie; articles/news; et publicité.

Ce qui m’a marqué, c’est qu’il s’agit là de façon de communiquer plutôt unilatérale. Si l’on prend le cas d’une publicité, un message est envoyé aux consommateurs. Point. Alors que les médias sociaux, qui permettraient un vrai échange entre l’entreprise et les consommateurs, arrivent en dernière position.

Autant dire qu’il reste du travail à faire à ce niveau! La prochaine génération de consommateurs est celle qui a grandi avec Facebook, il ne faut pas les rater. Ces consommateurs auront envie de pouvoir commenter, partager, ou simplement « liker » ce qu’ils auront appris sur votre entreprise. Alors bien sûr, c’est un risque. Un risque d’avoir des retours négatifs parce que la performance n’est pas satisfaisante, ou parce que l’on pourrait vous accuser de greenwashing. Mais une communication claire, précise et honnête réduira fortement ce risque.

Coca-Cola lutte contre l’obésité, vraiment?

fat manUn excellent article, écrit par le non moins excellent Jo Confino, pose la question de savoir si les récentes déclarations de Coca-Cola quant à son désir de s’engager contre l’obésité ont beaucoup…de poids.

Comme le dit très bien l’article, il est difficile de faire partie de la solution, si l’on fait clairement partie du problème. Certains diront que c’est toujours mieux que rien. D’autres estiment que c’est peine perdue.

J’avoue ne pas savoir où me positionner. Que pourrait vraiment faire Coca-Cola pour lutter contre l’obésité, sachant que son business principal est de vendre des boissons trop sucrées?

Est-ce qu’une solution consistant à proposer des alternatives est valable ou serait-elle une façon de se libérer du problème? Coca-Cola pourrait avancer que les gens ont le choix entre boire leur eau et boire leur boisson sucrée, et qu’à partir de là, il s’agit d’une question de responsabilité individuelle, chacun étant libre de faire ce qu’il veut.

Est-ce qu’au contraire, Coca-Cola devrait s’orienter progressivement vers la vente de boissons saines, sans (trop de) sucre? A la manière d’une entreprise se tournant progressivement vers des fournisseurs « fair-trade » ou des produits bios.

Assez c’est assez! A partir de quand est-on responsable?

Butterfly sitting on a WallIl y a plusieurs années, Joel Makower, auteur de l’excellent Strategies for the Green Economy, apprit que Levi Strauss avait discrètement commencé à utiliser du coton bio. 2% de sa consommation en coton était désormais bio.

Intéressé par cette histoire, Makower a contacté la compagnie pour en apprendre davantage. Lorsqu’il a – péniblement – fini par joindre une personne désireuse de répondre à ses questions, il s’est empressé de lui demander pourquoi ils n’en parlaient pas. Le plus grand acheteur de coton du monde se lance dans le bio, voila une formidable accroche marketing, non?!

La réponse qu’il a obtenue a été la suivante. Si Levi Strauss commence à communiquer sur cet aspect, il leur faudra expliquer pourquoi ils se lancent dans le bio. Et cette explication consiste à parler des effets dévastateurs sur les nappes phréatiques, sur les ouvriers, sur la faune et la flore, etc. des pesticides utilisés pour le coton « normal ». Et la réaction des consommateurs à cela pourrait être de penser « Donc, 98% du coton que vous achetez est mauvais pour la planète et ses habitants? »

« Et pourquoi pas 5%? », « On va vous boycotter tant que vous n’aurez pas atteint 10%! »…inutile de continuer davantage, vous imaginez les réactions qui auraient pu avoir lieu. Est-ce à dire que Levi Strauss a bien fait de ne rien dire?

Mon avis à ce sujet, et je rejoins Joel Makower, est que Levi aurait dû parler de cette initiative. Mais pas n’importe comment. Je crois que les consommateurs, même les plus engagés, peuvent comprendre qu’une entreprise ne peut pas être parfaite, et qu’il faut bien commencer quelque part. Mais cette même entreprise doit démontrer qu’elle comprend les enjeux, qu’elle a des objectifs à court, moyen et long terme, et qu’elle a un plan pour y arriver.

Mieux encore, la compagnie consulte régulièrement les différents stakeholders concernés par cette nouvelle initiative; et trouve des solutions avec eux.

Rémunération abusive et « say on pay »: le cas GlaxoSmithKline

Comme 3e et dernier article que je voulais présenter en rapport avec les prochaines votations sur l’initiative Minder, voici une étude de cas. Il manquait un exemple concret de ce qui peut arriver lorsque les actionnaires ont leur mot à dire sur la rémunération des dirigeants de leur entreprise. J’espère que cela ajoutera un éclairage différent sur ce sujet très complexe.

GlaxoSmithKline (GSK) est une entreprise pharmaceutique britannico-américaine, issue de la fusion entre Glaxo Wellcome (US) et SmithKline Beecham (UK) en 2000. Dans les deux années qui suivirent la fusion, soit entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2002, l’action GSK a chuté de 37%.

En novembre 2002, Jean-Pierre Garnier, directeur général de GSK, est l’un des cadres les mieux payés de Grande-Bretagne. Il a touché en 2001 près de £ 7 millions en salaire, bonus, actions et options. GSK souhaite toutefois augmenter sa rémunération, pour la porter à une enveloppe totale avoisinant les £ 20 millions.

Face à la grogne des actionnaires provoquée par cette annonce, il a finalement été décidé d’abandonner ce projet d’augmentation de la rémunération de Jean-Pierre Garnier. La direction de GSK explique qu’elle a voulu aligner le salaire de Garnier sur celui de ses homologues américains – où le système de rémunération est différent de celui en vigueur au Royaume-Uni – afin de le motiver et surtout de le retenir, mais qu’elle se pliait à la volonté des actionnaires.

Le 28 mars 2003, les actionnaires de GSK reçoivent une invitation à la troisième Assemblée générale ordinaire de GSK, qui a lieu le lundi 19 mai 2003. Avec cette invitation, ils reçoivent également le Rapport Annuel 2002. Dans ce rapport, on apprend qu’il est prévu d’attribuer à Jean-Pierre Garnier, au cas où son contrat devait se terminer plus tôt que prévu, un ensemble de prestation se montant à £ 22 millions.

Ce rapport est soumis à une nouvelle réglementation, mise en place en 2002, donnant à l’assemblée générale des actionnaires la possibilité de voter sur les questions de rémunérations. En effet, selon la loi en vigueur au Royaume-Uni, le rapport détaillé sur la rémunération des dirigeants doit dorénavant être soumis à un vote consultatif des actionnaires.

A l’occasion de ce vote consultatif, les actionnaires de GSK ont rejeté le rapport de rémunération.

Voici la réaction du président de GSK : « Although Resolution 2 is advisory, the Board takes this result very seriously. The major reason for this negative vote has been the fact that there are elements of our senior level remuneration package which do not accord with what is regarded as best practice by shareholders. That is something that the Board is aware of and it was one of the reasons that the Remuneration Committee decided to appoint Deloitte & Touche some months ago to conduct a completely independent review of our approach. »

Le vote a donc été pris en compte, sans pour autant que l’on sache exactement quelles conclusions sont tirées. En 2008, Jean-Pierre Garnier a quitté GSK avec un « parachute doré » potentiel estimé à £2.5m en options. Une réduction substantielle par rapport au 22 millions prévus 5 ans auparavant.