Affaire Findus: c’est si grave que cela?

A une époque où des millions de personnes connaissent des problèmes liés à la malnutrition, est-ce vraiment si scandaleux que de se faire servir du cheval à la place de bœuf?Martine aime les lasagnes

Aborder la récente « Affaire Findus » sous cet angle est selon moi une bonne façon de se poser les bonnes questions. Au fond, est-ce si grave? Viande rouge hachée ou viande rouge hachée, quel est le problème?

Problème, il y a. Quatre problèmes pour être précis.

  1. Dégoût culturel pour la viande de cheval. Dans plusieurs pays, dont la Grande-Bretagne, consommer de la viande de cheval est un tabou. Le cheval occupe une place proche de celle du chien: c’est un ami, il est associé aux loisirs. Ce n’est pas de la nourriture. Dès lors, tromper les gens en leur servant de la viande de cheval en la faisant passer pour de la viande de bœuf touche non pas à leurs simples préférences gastronomiques, mais à leurs valeurs, à leurs émotions.
  2. Transparence et traçabilité. De nombreux journalistes ont insisté sur le « parcours » de cette viande: de la Roumanie à la France, en passant par Chypre et le Luxembourg. A l’heure où l’on parle de plus en plus de proximité, ce voyage en a étonné plus d’un. Alors que l’on arrive à un niveau de transparence élevé pour de nombreux produits – je pense par exemple aux habits – il y a dans cet affaire un aspect « so 1990’s » qui dérange considérablement. Et le spectre de la vache folle n’est jamais loin.
  3. Contrôle des fournisseurs. On les croyait disparus, mais il s’est tout de même trouvé quelqu’un pour déclarer «Nous ne sommes pas responsables de la fraude d’un de nos fournisseurs», en l’occurrence le président de l’Association des industries agro-alimentaires (Ania). Vous croyez vraiment que vos fournisseurs sont une entité séparée de vous et qu’ils opèrent selon des standards différents? En fait, vos fournisseurs travaillent pour vous; leur gagne-pain dépend de leur capacité à répondre à des conditions que vous leur imposez. C’est donc votre problème.
  4. Appât du gain. Au final, pourquoi s’est on retrouvé avec cette viande de cheval dans nos assiettes? Tout simplement parce que certaines personnes ont voulu frauder. Frauder en profitant que le prix du cheval a baissé en Roumanie. Des personnes mal intentionnées ont voulu augmenter leur profit en trompant des consommateurs. Arnaque, tromperie sur la marchandise, fraude, les termes sont nombreux…

Alors oui, cette viande était mangeable. J’aurais d’ailleurs aimé trouver, dans les FAQs proposées par Findus, une information sur le sort réservé à ces préparations? Cette nourriture, propre à la consommation, a-t-elle été détruite? L’a-t-on destinée à des œuvres de charité?

Mais cette affaire illustre de nombreux manquements à la responsabilité sociale et à l’éthique. Il faut rester vigilants, car rien ne nous dit que cela ne se reproduira pas.

 

Minder: une initiative responsable?

adam-smithLe 3 mars prochain, le peuple suisse aura à voter notamment sur l’initiative Minder: l’initiative populaire fédérale contre les rémunérations abusives (et son contre-projet indirect). L’initiative vise à compléter la Constitution fédérale en y introduisant diverses considérations. Le principal aspect est – selon moi – que les actionnaires pourront, au cours de l’assemblée générale, voter sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise  (argent et valeur des prestations en nature du conseil d’administration, de la direction et du comité consultatif). Il s’agit donc de donner aux actionnaires le droit d’accepter ou non la rémunération des dirigeants. Selon les promoteurs de l’initiative, cela devrait éviter les rémunérations dites abusives. Et selon ses opposants, cela devrait avoir des conséquences fâcheuses sur l’économie suisse en général.

Efforçons-nous de ne pas faire de politique, et posons-nous plutôt la question des enjeux autour de la rémunération des dirigeants et le « say on pay ». J’en soulèverai ici deux:

  1. Il y a tout d’abord une considération purement éthique, qui est celle de l’écart entre le plus haut et le plus bas revenu au sein d’une même entreprise. On peut légitimement penser qu’il n’est pas normal qu’un dirigeant ait une rémunération plus de 1’000 fois plus élevée que certains de ses employés. Toutes les responsabilités, les heures supplémentaires, les nuits blanches ne peuvent justifier de tels écarts. Ce d’autant plus lorsque l’entreprise licencie ses employés, mais c’est là un autre débat. Cela étant, où se situe alors la limite? Comment l’évaluer? Est-ce qu’une rémunération 500 fois plus élevée est plus éthique que 1’000 fois plus élevée? Ne sont-ce pas les bonus qui posent le plus de problème?
  2. L’autre enjeu est lié à la théorie de l’agence. Il y a une opposition entre le principal – l’actionnaire – et l’agent – le dirigeant de l’entreprise. En effet, le premier, propriétaire des moyens de production, veut rentabiliser son capital. Il cherche donc à toucher des dividendes. Le second veut quant à lui récolter les bénéfices de son action, et donc entamer le capital. On voit aisément le problème qui en découle, et les raisons pour lesquelles les actionnaires aimeraient avoir ce fameux say on pay, voire plus. Chercher à éviter les problèmes d’aléa moral ou d’antisélection peut paraître également légitime, mais comment faire concrètement alors qu’il y a à la base ce problème principal-agent? Les actionnaires ne vont-ils pas chercher à réduire les rémunérations non pas pour des raisons éthiques, mais pour leur propre intérêt, ce qui n’est pas plus responsable? N’est-ce pas ce modèle actionnaires-dirigeants qui est à repenser, plutôt que simplement les rémunérations?

Bref, nous sommes face à un problème épineux! Il faut peut-être trouver des solutions plus innovantes et créatives. Pourquoi ne pas regarder du côté des Benefit Corporations ou de systèmes d’attribution de bonus différents? Je vais tenter d’enrichir la discussion avec d’autres articles ces prochains jours.

Investissement socialement responsable et protection sociale

Cet article pour vous orienter vers le site de l’Extension Mondiale de la Sécurité Sociale. Et plus particulièrement son dossier consacré à l’investissement socialement responsable. Ces pages, abordant les différents aspects de l’ISR dans le cadre de la protection sociale – « business case », stratégies, bonnes pratiques – ont été rédigée par…moi lorsque je travaillais pour l’Organisation Internationale du Travail. Elles sont issues d’un rapport que j’avais écrit et qui devrait bientôt être publié.

Il est à mon sens primordial que les fonds de pension montrent la voie en matière d’ISR. Etant donné les intérêts qu’ils représentent mais aussi leur but, ils se doivent d’investir de manière responsable.

J’avais également eu le plaisir d’échanger avec ma collègue en charge des pages sur la responsabilité sociale (malheureusement disponibles uniquement en anglais pour l’instant), que je vous recommande également!

Indices TTC: blanc ou noir, vraiment?

L’excellente émission de la Télévision Suisse Romande « TTC » propose de suivre cette année deux indices, un blanc et un noir. Sur la base d’avis d’experts (Fondation Ethos, Covalence, Inrate), un panier d’entreprises vertueuses a été créé, ainsi qu’un panier d’entreprises « beaucoup moins » vertueuses. En consultant la liste des entreprises, on se rend compte que les entreprises « blanches » peuvent effectivement être considérées comme plus ou moins bonnes – encore que l’on puisse reprocher beaucoup de choses à Microsoft, par exemple. Et on voit que du côté des noires, on est clairement du côté des méchants – notamment lorsque l’on regarde les secteurs d’activités. Le but est de comparer la performance de ces deux paniers.

Malheureusement, c’est pour l’instant la liste noire qui performe le mieux sur le marché! Investir dans les méchants serait donc plus rentable?!

La démarche de TTC, aussi intéressante qu’elle soit, pose toutefois deux problèmes. Le premier, inhérent à toutes les démarches liées à l’investissement socialement responsable, est qu’il est très difficile de décider qui est vertueux et qui l’est moins. Où tracer la ligne? Le site de TTC nous explique que les critères tels que « la gouvernance, l’éthique dans la conduite des affaires, le secteur d’activité,  l’impact environnemental, l’exemplarité dans la gestion des collaborateurs,  clients et fournisseurs » sont pris en compte. Mais on ne sait pas vraiment comment il sont pris en compte, ni ce qu’ils recouvrent vraiment. Qu’y a-t-il par exemple sous « impact environnemental »: CO2, eau, etc.?

Le deuxième problème, plus important à mes yeux, est que l’on cherche à lier quelque chose qui s’inscrit dans le long terme – la responsabilité d’une entreprise – avec un outil de mesure fondamentalement axé sur le court terme – la performance sur les marchés financiers. Il y a fort à parier que sur une année, l’indice noir performe mieux que l’indice blanc. Ou que tout du moins il n’y ait pas de différence significative. En décembre, on conclura qu’investir chez les méchants ou les gentils ne change pas grand chose. Ce qui serait dommage, c’est le moins que l’on puisse dire. Cela pourrait même porter préjudice aux entreprises qui se veulent responsables.

Pour finir, j’aimerais attirer votre attention sur une étude menée par Eccles, Ioannou et Serafeim, qui me semble plus juste quant à sa méthodologie. En effet, 180 entreprises ont été suivies sur une période de 18 ans. 90 de celles-ci étaient considérées comme High Sustainability Companies, et les 90 autres comme Low Sustainability. Les résultats ont montré qu’investir $1 en 1993 dans les High Sustainability rapportait $22.6 à la fin 2010; alors que le même investissement dans les Low Sustainability ne rapportait que $15.4.

Je vous recommande fortement la lecture de cette étude, si le sujet vous intéresse! Le problème de la définition des High et des Low reste présent, même si je trouve qu’il est traité de manière intéressante, mais les conclusions me semblent assez solides.

Et merci à mon ami Yann pour m’avoir orienté vers ce sujet!

Packaging: comment rendre les consommateurs responsables?

ConsomacteurGrand consommateur de thé, j’ai récemment acheté une nouvelle boîte de ce produit. Je bois d’ordinaire du thé vert – sencha, genmaicha, gyokuro quand j’ai de l’argent, etc. – mais j’avoue que le thé que vous pouvez voir ci-dessus a attiré mon attention. Et pour cause! Si l’on observe de près la photographie ci-dessus, on peut constater deux choses.

Premièrement, je suis une des seules personnes au monde capables d’ouvrir ce genre de boîte sans la déchirer.

Deuxièmement, on peut voir que le packaging est très particulier. Il met en avant deux choses:

  • « Ce que je bois »,
  • « Ce que je défends ».

D’un côté donc, ce que je consomme: on retrouve des informations classiques sur le produit. Cela explique donc pourquoi je veux acheter ce produit. De l’autre côté, ce que je défends: ce qu’il y a derrière mon achat. Ce que ça implique au niveau social lorsque j’achète ce produit. Et donc, pourquoi je devrais acheter ce produit.

Je trouve cette démarche très intéressante, car elle réunit ces deux aspects du simple acte d’achat – j’achète parce que j’aime ça – et de l’implication éthique de cet achat. J’achète parce que c’est bon et parce que c’est bien. Cela correspond à mes goûts et à mes valeurs. Alors que trop souvent encore, on a une information et pas l’autre.

Je n’aime pas le terme de consomacteur, mais je trouve que l’on comprend bien son sens ici. Aussi, j’apprécie que le consommateur ait des informations en toutes lettres sur la conséquence de son achat, plutôt qu’un simple logo à la signification plus ou moins obscure.