Minder: une initiative responsable?

adam-smithLe 3 mars prochain, le peuple suisse aura à voter notamment sur l’initiative Minder: l’initiative populaire fédérale contre les rémunérations abusives (et son contre-projet indirect). L’initiative vise à compléter la Constitution fédérale en y introduisant diverses considérations. Le principal aspect est – selon moi – que les actionnaires pourront, au cours de l’assemblée générale, voter sur les rémunérations des dirigeants de l’entreprise  (argent et valeur des prestations en nature du conseil d’administration, de la direction et du comité consultatif). Il s’agit donc de donner aux actionnaires le droit d’accepter ou non la rémunération des dirigeants. Selon les promoteurs de l’initiative, cela devrait éviter les rémunérations dites abusives. Et selon ses opposants, cela devrait avoir des conséquences fâcheuses sur l’économie suisse en général.

Efforçons-nous de ne pas faire de politique, et posons-nous plutôt la question des enjeux autour de la rémunération des dirigeants et le « say on pay ». J’en soulèverai ici deux:

  1. Il y a tout d’abord une considération purement éthique, qui est celle de l’écart entre le plus haut et le plus bas revenu au sein d’une même entreprise. On peut légitimement penser qu’il n’est pas normal qu’un dirigeant ait une rémunération plus de 1’000 fois plus élevée que certains de ses employés. Toutes les responsabilités, les heures supplémentaires, les nuits blanches ne peuvent justifier de tels écarts. Ce d’autant plus lorsque l’entreprise licencie ses employés, mais c’est là un autre débat. Cela étant, où se situe alors la limite? Comment l’évaluer? Est-ce qu’une rémunération 500 fois plus élevée est plus éthique que 1’000 fois plus élevée? Ne sont-ce pas les bonus qui posent le plus de problème?
  2. L’autre enjeu est lié à la théorie de l’agence. Il y a une opposition entre le principal – l’actionnaire – et l’agent – le dirigeant de l’entreprise. En effet, le premier, propriétaire des moyens de production, veut rentabiliser son capital. Il cherche donc à toucher des dividendes. Le second veut quant à lui récolter les bénéfices de son action, et donc entamer le capital. On voit aisément le problème qui en découle, et les raisons pour lesquelles les actionnaires aimeraient avoir ce fameux say on pay, voire plus. Chercher à éviter les problèmes d’aléa moral ou d’antisélection peut paraître également légitime, mais comment faire concrètement alors qu’il y a à la base ce problème principal-agent? Les actionnaires ne vont-ils pas chercher à réduire les rémunérations non pas pour des raisons éthiques, mais pour leur propre intérêt, ce qui n’est pas plus responsable? N’est-ce pas ce modèle actionnaires-dirigeants qui est à repenser, plutôt que simplement les rémunérations?

Bref, nous sommes face à un problème épineux! Il faut peut-être trouver des solutions plus innovantes et créatives. Pourquoi ne pas regarder du côté des Benefit Corporations ou de systèmes d’attribution de bonus différents? Je vais tenter d’enrichir la discussion avec d’autres articles ces prochains jours.

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2 réflexions sur “Minder: une initiative responsable?

  1. Pingback: Martin Grandjean » Actualités, Humanités, Société » Réguler les salaires des top-managers, une question de société

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