Généraliste – Spécialiste – Sustainability certifications

Il y a quelques jours, je tombais sur cet article, présentant pas moins de 40 certifications en durabilité.

Cet article m’a interpellé. Pas tant pour son contenu – je n’ai pas de certification à recommander en particulier, ou d’avertissement à formuler – que par sa structure. J’ai en effet trouvé judicieux le fait de séparer les formations généralistes des spécialistes, et à l’intérieur de ces dernières faire encore des catégories.

Pour être plus précis, la structure est la suivante:

  • Certifications professionnelles générales en matière de durabilité et de changement climatique;
  • Certifications de rapports de durabilité et ESG;
  • Certifications de bâtiments « verts » (guillemets ajoutés par moi-même, pour des raisons évidentes);
  • Certifications liées à l’exploitation de l’environnement bâti;
  • Certifications spécifiques à une question ou à un secteur – parmi lesquelles:
    • ESG et finance durable (guillemets non-rajouté par moi-même, mais je n’en pense pas moins)
    • Gouvernance et risque
    • Économie circulaire
    • Ville et infrastructures
    • Autre spécialité

Encore une fois, je ne tiens pas à débattre du choix de ces catégories, ou de leur exhaustivité. Je tenais à souligner que c’est une tendance qui se confirme, à savoir une spécialisation des domaines de la durabilité, une tendance à donner de la granularité.

Je dois dire que cela crée chez moi un sentiment ambivalent. D’un côté, j’apprécie et vois cela comme une prise au sérieux des différents métiers de la durabilité. On n’est plus spécialiste en durabilité, on est spécialiste en « ESG et finance durable », on est spécialiste en « Economie circulaire ».

Bref, on est spécialiste.

C’est là que l’autre côté de mon sentiment intervient: quel avenir pour les généralistes? Il y a certes une catégorie consacrée à cela, mais elle reste maigre (5 formations) au regard du reste. Là encore, je me dois d’insister sur le fait que la liste n’est bien sûr pas exhaustive, mais cela ne m’empêche pas d’être intrigué.

Si je suis intrigué, c’est sans doute parce que je me définis moi-même comme un généraliste. Une définition de moi-même renforcée récemment par la lecture de l’excellent Range – Le règne des généralistes: Pourquoi ils triomphent dans un monde de spécialistes, de David Epstein, que je ne peux que recommander.

Et si je crois qu’il est important de continuer à former des généralistes en durabilité, en responsabilité sociale, c’est parce que j’ai l’intime conviction que ce sont eux et elles qui pourront amener la RSE et la durabilité à un niveau stratégiques dans leurs organisations. Ce sont ces généralistes qui auront la vue d’ensemble, qui sauront faire un tout cohérent de plusieurs initiatives éparses.

Alors bien sûr, il faut pour cela être une personne capable de penser en termes de stratégie. Ce n’est pas donné à tout le monde, mais ça s’apprend.

Nous avons besoin de personnes pensant en termes stratégiques, pour la responsabilité sociale. Nous devons les former, les certifier, et leur donner les clés.

Publicité

Vision – Incertitude – Stratégie

Tous les 3 mois, je prends du temps pour faire un bilan des 90 derniers jours, et planifier les 90 prochains. C’est un exercice très important pour moi, qui m’amène à développer une vision, certes à court terme, de là où je veux me trouver.

Ca a été le cas ce 15 octobre. J’ai fait le bilan et me suis projeté dans les 90 prochains jours. Voici les premières lignes que j’ai rédigées:

A l’heure d’écrire ces lignes, nous entrons dans ce qui ressemble à une 2e vague. L’incertitude reste de mise, mais en regardant les plans de 2020, je vois que j’ai quand même pu avancer selon ce que j’avais prévu. Il faut en rester convaincu.

En les écrivant, je me suis rappelé les premières réflexions que je m’étais faites lorsque nous sommes passés en semi-confinement. Va-t-on pouvoir planifier quoi que ce soit, avec toute cette incertitude autour de la situation? Je me suis rapidement convaincu que oui, nous le pouvions et c’était nécessaire. Mais tout aussi rapidement, je me suis rendu compte que ce point de vue n’était pas partagé par de nombreux collègues ou partenaires. Je me suis donc demandé si j’allais pouvoir avancer malgré les réticences de parties prenantes importantes à se projeter.

C’est en faisant le bilan il y a quelques jours que je me suis rendu compte que oui, j’ai pu avancer. Par exemple, deux de mes grands objectifs pour cette année étaient de rejoindre un (advisory) board, et de me former.

Depuis juin, je suis officiellement membre de l’advisory board de Climate & Sustainability. J’en dirai plus dans un prochain article, mais allez jeter un œil à leur site web: le travail réalisé est fantastique!

A la fin du mois de septembre, j’ai commencé une formation avec l’IMD, « Strategy Execution » – là aussi, j’en dirai plus dans un prochain article, mais c’est vraiment passionnant!

En définitive, je suis persuadé que l’on peut avancer, que l’on peut faire des plans, quel que soit le degré d’incertitude auquel on est confronté, y compris chez les autres. Deux facteurs inévitables selon moi:

  • En être convaincu! Il faut de la volonté, se donner les moyens, et maintenir le cap. Ce même si, comme je l’évoquais, les personnes qui vous entourent ne partagent pas votre point de vue.
  • Se montrer « agile ». Si l’on a au préalable établi une vision, on trouvera toujours les moyens pour y arriver. Avec un point de départ et une destination, chacun saura adapter sa feuille de route, peu importe les circonstances.

Si l’on sait « pourquoi », on peut faire avec n’importe quel « comment », nous rappelle Viktor Frankl.

Et vous, quelles sont vos objectifs atteints en 2020 – contre vents et marées ou non?!

Entreprise contributive et modèles économiques – Interview de Fabrice Bonnifet

Fabrice Bonnifet, Directeur développement durable du groupe Bouygues, président du Collège des Directeurs du Développement durable (C3D), et co-fondateur de la plateforme Entreprise Contributive. Il est interviewé par Mathieu Calles, de Whaoueffect, avec qui j’ai collaboré sur divers projets.

Il nous parle de l’entreprise contributive, et de son rapport aux services écosystémiques. L’économie de la fonctionnalité tient également une bonne place dans son discours, et il souligne l’importance d’éduquer les parties prenantes de ce point de vue, afin d’augmenter les taux d’usage.

Il faut aussi libérer la capacité d’innovation au sein des entreprises. Il ne s’agit donc pas seulement d’une question de business model, mais aussi de management! Il faut redonner du sens à la raison d’être de l’entreprise.

Fabrice Bonnifet fait également le constat que l’environnement et le social, qui étaient une conséquence d’une bonne santé économique, deviennent maintenant une condition de la bonne santé économique. On est en train d’inverser le système.

Il espère que le défi climatique va se voir relever par un sursaut d’instinct de survie. Il va même jusqu’à avancer que dans 150 ans, l’on se dira que les business models ont changé relativement rapidement.

Ecoutez l’intégralité de son interview:

Faire mieux, ça ne suffira pas, il faut faire autrement, nous dit Fabrice Bonnifet. C’est justement ce que propose la plateforme: apporter des témoignages selon lesquels il est possible de faire autrement.

Merci à Fabrice Bonnifet pour son temps et pour l’excellente « food for thought » qu’il a partagé avec nous! Merci également à Céline Puff Ardichvili pour la facilitation de cet interview!

Responsabilité sociale, reporting, et efficience

typewriter-801921_1280Le vendredi 7 avril, j’ai eu le plaisir d’être invité par mes collègues responsables du CAS Développement durable post-2015, pour un brown bag lunch. Il s’agissait d’une présentation d’Esther Bares qui est en charge, entre autres, du reporting RSE chez Novartis.

La présentation visait à introduire la Global Reporting Initiative aux participants du CAS, et leur expliquer comment s’y prendre pour rédiger un rapport, tout en mettant l’accent sur certains challenges pouvant être rencontrés au cours du processus. Une présentation très intéressante!

Sans revenir sur toute la présentation, j’aimerais soulever et réagir à quelques points abordés au cours de ce brown bag lunch.

Esther Bares a semblé apprécier qu’au fil des versions, les lignes directrices de la GRI sont devenues de plus en plus complètes, avec de plus en plus d’informations à fournir. Selon elle, c’est signe que les attentes des parties prenantes sont de plus en plus prises en compte. Elle nous a aussi montré les nombreux cadres de reporting existant en sus de la GRI (CDP, UNGC, IIRC, etc.), et expliqué en quoi un rapport GRI bien construit permet de répondre plus facilement aux exigences de ces autres cadres. Enfin, répondant à la question d’un participant, elle nous a expliqué que la préparation du rapport occupait plusieurs personnes à plein temps pendant 3 à 4 mois. Tout cela m’amène sur un thème récurrent, celui de la « questionnaire fatigue ».

Certes, c’est une bonne chose que les rapports soient de plus en plus complets. Mais peut-on seulement imaginer la quantité d’information demandée par toutes ces parties prenantes que sont la GRI, le Global Compact, etc.? Les entreprises semblent se plier à toutes ces demandes. De peur d’être mises au pilori en cas de refus? Les entreprises ne devraient-elles pas pouvoir dire « non »?

Et que dire de la quantité de personnes mobilisées pour la seule rédaction du rapport? De 3 à 5 personnes à temps plein sur ce projet, pendant un trimestre, sans compter les heures passées par les collaborateurs d’autres départements (finance, RH…) dont l’aide est requise ponctuellement pour la collecte d’informations. Quand on sait la taille restreinte des départements CSR – quand ils existent – au sein des entreprises, cela semble monstrueux. Ce sont assurément des personnes talentueuses, qui pourraient être utilisées à d’autres projets stratégiques, plutôt qu’à la collecte d’information.

Je crois que la responsabilités sociale en est vraiment arrivée à un point où l’on doit parler non seulement de consolidation, mais aussi de simplification et d’efficience.

Le second point que je voulais soulever concerne une réponse apportée par Esther Bares à une question qui lui a été posée. Un participant voulait savoir comment « piéger » une entreprise sur la base de son rapport, comment trouver des informations qui pourraient servir de critiques. Notre conférencière a suggéré de chercher dans les notes de bas de page, dans les petits caractères. The devil is in the details, nous a-t-elle dit. We can agree to disagree, répondrais-je. S’il n’est pas injustifié de procéder de la sorte, j’ai plutôt tendance à penser que ce sont dans les non-dits, dans les informations manquantes, dans les blind spots, qu’il faut chercher.

Dans le cadre précis d’un rapport GRI, il s’agit de se référer aux principes de matérialité – les thématiques abordées sont pertinentes pour l’entreprise et pour ses stakeholders – et d’équilibre – des informations « négatives » figurent également dans le rapport. Il est vrai que cela demande plus de travail, plus de recherches. Peut-être même de mener une analyse de matérialité parallèle. Bref, mon avis est que pour pouvoir critiquer un rapport GRI, c’est principalement sur ce qui n’y figure pas qu’il faut s’appuyer.

En définitive, une présentation très intéressante et ayant suscité de nombreuses réactions et réflexions. Merci à Esther Bares et aux organisateurs du CAS Développement durable post-2015!

Comment les start-ups intègrent la RSE

Il est fréquent de lire sur le web des articles se présentant comme des guides pour les PME ou les start-ups désirant intégrer la RSE à leur activité. « Les 5 meilleures pratiques pour rendre votre start-up responsable! », « 10 astuces pour intégrer la RSE dans votre start-up! », et j’en passe.

Ce qui me surprend, c’est que dans mes activités de conseil, je ne suis pas confronté à cela, pas confronté à ce genre de demande. Les start-ups avec qui je travaille, ou simplement celles avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, ne veulent pas connaître les 5 meilleures pratiques ou que sais-je. entrepreneur-593361_1280

Elles ont en fait déjà intégré la RSE dans leurs pratiques, dans leur réflexion. Ce qu’elles recherchent, c’est à en faire un tout cohérent. A faire en sorte que tout ait du sens pour l’entreprise, ses dirigeants et ses employés.

Dès lors, mon travail de conseil est beaucoup plus englobant, beaucoup plus stratégique. Mon rôle est presque davantage de faire du conseil en management, teinté de responsabilité sociale, que l’inverse.

Mais peut-être mon regard est-il biaisé: il est vrai que les start-ups que je rencontre ont déjà un à-priori positif sur la RSE, voire même de vraies connaissances de ces questions. Alors je vous le demande, collègues consultant-e-s, votre expérience est-elle similaire à la mienne? Et vous, dirigeant-e-s de start-ups, vos besoins correspondent-ils à ce que jdécris?