Réflexion – Pause – Explorer

Alors qu’une nouvelle année débute, il est temps pour moi de réfléchir sur ce qu’il s’est passé au cours de ces 12 derniers mois. Ca n’a pas été facile, je dois l’admettre. A peine eu-t-on l’impression de sortir de la crise du COVID que la guerre en Ukraine débutait. En plus de la douleur de voir des gens mourir inutilement, cela a apporté une pression et une incertitude supplémentaires, dont nous nous serions bien passés après deux années de pandémie.

Il a malgré tout fallu avancer. J’ai pour ma part, comme souvent, trouvé refuge dans le travail. Mon job à l’Institut des Sciences de l’Environnement occupe toujours la plus grande part de mon temps. Je ne saurais par où commencer pour décrire tout ce qui a été accompli au cours des douze derniers mois. Mais je dois dire que mes leviers favoris sont définitivement la stratégie, la gouvernance et la culture organisationnelle. C’est en travaillant sur ces aspects que j’ai le sentiment d’avoir le plus d’impact, et le plus de plaisir.

Je me dois toutefois de nuancer cette observation, car j’ai eu un plaisir égal lors de rencontres individuelles. J’en ai fréquemment avec mes collègues, pour parler de sujets qui leurs sont propres, parfois problématiques, parfois des choix à faire entre plusieurs opportunités. J’essaie autant que je peux de les aider, en les amenant à trouver des solutions qu’ils ou elles ont déjà au fond d’eux-mêmes et elles-mêmes.

Cela rejoint le travail que j’ai mené sur le front du mentorat. Tout d’abord avec le programme de mentorat de l’Université de Genève, auquel je prends part depuis 5 ans et qui m’a vu accompagner des étudiantes passionnantes (et un étudiant, tout aussi passionnant!), amenant avec elles des challenges très variés. Je suis leurs parcours professionnels avec intérêt, et une petite fierté de me dire que j’ai pu y contribuer, même dans de très petites proportions.

J’ai aussi lancé un programme de mentorat international avec Climate & Sustainability, une organisation dont j’ai pris la co-présidence en cours d’année. C’est un projet à la fois très simple et très complexe à mener. Simple de par le fait que l’on travaille dans un cadre établi, bien défini, celui de la relation mentorale. Complexe car les enjeux sont si variés entre mentees – « global south » pour la plupart – et mentors – Occident. Mais c’est en tous les cas passionnant là aussi, et je crois que le programme a déjà aidé aussi bien les mentees à trouver leurs voies, que les mentors à trouver leurs voix, celles de vrais leaders.

A ce stade, il me semble aussi important de réfléchir sur mes échecs. Pas de grand problème pour moi, heureusement. Ou peut-être est-ce le signe que je ne prends pas assez de risque… A quand remonte la dernière fois que j’ai entrepris quelque chose qui avait un vrai risque de ne pas aboutir?

2 choses que j’ai ratées en 2022:

  • Ma reprise de la méditation. Je sais que c’est bon pour moi, ça me fait objectivement du bien, la science le dit, mais je n’y suis pas arrivé. J’ai pensé à de nombreuses reprises « je dois m’y remettre », mais j’ai fini par repousser sans jamais m’y atteler.
  • Bien relancer mes activités de consulting. J’ai terminé un mandat en cours en 2022, et avais l’ambition d’en obtenir au moins un supplémentaire, mais ça n’a pas été le cas. Je reste indulgent avec moi-même, car je n’ai pas chômé sur d’autres fronts, mais je dois admettre que c’est une frustration. Je suis convaincu de pouvoir faire mieux cette année!

Ah et j’allais oublier, j’ai lu 26 livres cette année! Il y a eu 1-2 accidents de parcours, mais globalement je suis très heureux de ce que j’ai appris, découvert, exploré!

J’ai l’habitude de souhaiter pour la nouvelle année que nous puissions envisager un plus large « nous » et un plus long « maintenant ». 2023 ne fera pas exception. J’espère que nous saurons considérer le « nous » comme incluant un maximum d’individus – humains et non-humains – en s’inspirant du concept d’Ubuntu. Et que nous mènerons nos actions en pensant à leurs conséquences aujourd’hui, demain et après-demain.

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Coaching – Leadership – Solitude

Photo by Prophsee Journals on Unsplash

Au cours d’une période de 9 mois, courant sur les années 2021-2022, j’ai eu le plaisir d’être engagé comme executive coach par une personne débutant un nouveau rôle de leader global pour la « sustainability » d’une entreprise internationale. Je m’excuse pour le nombre d’anglicismes contenus dans ce texte – le travail s’est fait en anglais!

Notre collaboration a porté sur 4 axes:

  • Développement de son leadership;
  • Conseils et échanges sur la stratégie “sustainability” de son entreprise;
  • Gestion de son équipe;
  • Développement de son réseau de support, interne et externe.

De manière plus générale, ma tâche a consisté à créer un espace de réflexion pour cette personne. Qu’elle puisse prendre un moment pour réfléchir – loin du rythme effréné de son travail quotidien. C’est inestimable pour quelqu’un qui est dans une position de leadership: prendre du recul, pouvoir développer une réelle vision, ce sont des aspect vitaux pour évoluer dans la bonne direction, de manière responsable.

D’autant plus vitaux lorsque l’on est dans le domaine de la responsabilité d’entreprise. Une personne travaillant dans ce domaine, dans une position de leadership, est très souvent confrontée à ce que l’on appelle la « solitude du manager RSE ». En effet, il n’est pas rare qu’elle soit la seule personne du « département », ou si elle a une équipe avec elle, les membres de celle-ci sont pour la plupart du temps sans expérience de ce qu’une directrice ou un « executive » peut rencontrer comme challenge. Engager une tierce personne, externe à l’organisation, peut s’avérer judicieux. Cette personne peut jouer le rôle d’un « sounding board » qui, par la neutralité de son regard, peut amener à trouver des solutions sans que celles-ci soient orientées selon un agenda sous-jacent.

J’ai énormément appris de cette expérience! L’aspect « coaching » est fabuleusement intéressant. Il s’agit d’être à l’écoute, et de savoir poser de bonnes questions. Ne surtout pas se sentir obligé de fournir des réponses clé en main, comme ce peut être une habitude que l’on a lorsque – c’est mon cas – l’on travaille comme consultant et que l’on attend de nous des solutions avant même que les problèmes ne soient identifiés.

Mon expertise en matière de durabilité et responsabilité d’entreprise s’est bien sûr avérée un atout. Cela permet d’identifier clairement les challenges, et donc de poser les bonnes questions. C’est à mettre en balance avec le paragraphe précédent: il faut savoir prendre le temps d’écouter, de poser des questions, sans se ruer sur ce que l’on croit savoir être la solution. C’est un très bon rappel pour l’ego!

Je réalise que je me sens très à l’aise dans les échanges en 1-1, qui permettent de vraiment approfondir les sujets, et c’est une expérience que j’espère avoir la chance de réitérer très prochainement. Si j’ai réalisé ce mandat seul, cela a aussi été l’occasion pour moi de chercher à me développer sur ce volet de Responsible Leadership, et ainsi de rejoindre Lifetree Global, ce qui me donne plus de possibilités et de leviers d’action!

Anonymous – Données – Responsabilité

Le 22 mars, le collectif de hacker Anonymous a publié 10 Go de données de l’entreprise suisse Nestlé. Il s’agit de représailles du collectif pour la poursuite des activités de l’entreprise en Russie.

Une information contestée par Nestlé. Ils ont par la suite avancé que les données avaient été « leakées » par eux-mêmes, involontairement.

Si vous aviez lu le titre de cet article en 2021, y auriez-vous compris un traître mot? Nestlé denies it was hacked by Anonymous, claiming it accidentally leaked data dump itself—but it will stop selling Russians Kit Kats and Nesquik

Il s’agit aussi d’un signal, selon lequel les entreprises vont être amenées de plus en plus souvent à rendre des comptes. Non plus auprès des seuls États, mais aussi de la société civile, qui se manifeste sous différentes formes.

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« Faites ce qui est juste ou vous en subirez les conséquences. » C’est le message qui est envoyé ici, dans le cadre de cette terrible guerre. On peut imaginer que cela se poursuive avec la responsabilité environnementale et sociale des organisations. Cela s’inscrit dans un contexte où les appels au boycott se multiplient pour les organisations encore actives en Russie.

« Désinvestissez des énergies fossiles, ou nous divulguerons vos données. », « Abandonnez vos brevets sur ces semences, sur ces vaccins, ou nous gelons votre logiciel de payroll. » pourraient être de futurs cris de ralliement.

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Cela pose un certain nombre de questions importantes. Lorsque je paraphrase le message d’Anonymous en « Faites ce qui est juste ou vous en subirez les conséquences. », qui définit « ce qui est juste »? Un collectif de hacker est-il mieux placé pour ça qu’un gouvernement, qu’un tribunal? Est-ce que le fait que cela soit apparemment pour une bonne cause légitime l’attaque de hackers sur une entreprise? Bien sûr, l’inverse est vrai: on a vu les conséquences sur la vie de tous les jours des Russes des décisions de Google et Apple de suspendre leurs services « Pay » du pays.

Et quel point de vue adopte Nestlé? Je n’ai pas encore trouvé de réponse à cette attaque précise, mais de manière générale, la position de Nestlé a été de continuer ses activités sur territoire russe, tout au moins sur les produits de première nécessité. La déclaration du CEO de l’entreprise reste très basique et peu engagée.

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Je suis en tout cas persuadé que l’on assiste là à un nouveau tournant en matière d’activisme autour des activités des entreprises. Comme je l’évoquais plus haut, il y a tout à parier que ce genre d’initiative va se multiplier et porter sur des sujets environnementaux et sociaux.

Un mouvement intéressant est de voir que Bridgestone Tires est entré en contact publiquement, toujours via Twitter, avec Anonymous. Etayant sa position sur ses activités en Russie. Là aussi, il est frappant de voir ce « stakeholder engagement » être porté sur la place publique. L’échange se fait en toute transparence – du moins c’est ce qui est montré – car on imagine forcément une communication en coulisse.

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Anniversaire – 11 – Responsabilité

Voila aujourd’hui 11 ans que ce blog existe. Cela paraît très long et très court en même temps. Très court, car cet anniversaire correspond également à celui de la catastrophe de Fukushima, qui me semble s’être produite hier.

Si le lancement de ce blog a eu lieu ce même jour, c’est un hasard. Mais en même temps un signe. Une catastrophe posant d’immenses questions de responsabilités s’est produite il y a 11 ans. La question de la responsabilité organisationnelle s’est posée ce jour-là, au-delà des responsabilités individuelles.

Elle se pose encore aujourd’hui, autour de la guerre en Ukraine. De nombreuses entreprises ont mis fin, ou tout au moins mis en pause leurs activités en Russie. Certaines se sont mobilisées pour aider la population ukrainienne ou pour diffuser des informations factuelles à celle de Russie. Mais d’autres sont complices de ce qu’il se passe. Complices d’avoir enrichi un régime autoritaire, dans le seul but de réaliser du profit. Et bien sûr, c’est tout le secteur des énergies fossiles qui a là une fois de plus l’occasion de se remettre en question.

J’ai lu à plusieurs reprises qu’après Pearl Harbor, les Etats-Unis étaient passés en trois mois d’une économie civile à une économie de guerre. Pourrons-nous nous aussi passer à une économie durable et responsable d’ici à la fin de l’année, tout en sauvant les vies ukrainiennes et russes sacrifiées au nom de la folie de quelques hommes?

Je souhaite que ce drame et le rappel de Fukushima nous poussent à effectuer ce virage que nous aurions dû effectuer il y a des dizaines d’années. Qu’au-delà de la tristesse que tout cela nous inspire, nous trouvions l’énergie pour continuer à œuvrer pour aller vers un monde plus responsable et plus juste.

Ministry for the Future – Don’t Look Up – Vision

Au cours des derniers mois, il m’a été donné de lire ou visionner deux œuvres de fictions ayant pour thème le changement climatique: The Ministry for the Future, le roman de Kim Stanley Robinson, et Don’t Look Up, disponible sur Netflix, avec Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence.

J’aimerais prendre quelques lignes sur la vision que transmettent ces deux fictions.

Dans Don’t Look Up, c’est une vision réaliste et très pessimistes que l’on donne à voir au spectateur: nous sommes condamnés et quoi que nous fassions ou disions, les décideurs et la majorité de la population n’en tiendra pas compte. On sort du film lessivé par la bêtise de ses protagonistes et sans grand espoir sur notre propre avenir. Dans Ministry for the Future, la vision est réaliste elle aussi, parfois dure, mais propose une note d’optimisme inspirante. On referme le livre en se disant que ça va être difficile, qu’il faudra être drastique, mais qu’il y a un espoir.

A quelle vision voulons-nous adhérer? Bien sûr, des deux options proposées la plus attirantes est celle de Ministry for the Future. On peut y arriver, ça va être difficile et le coût sera élevé, mais ça reste possible. Mais qui va transmettre cette vision? C’est le rôle des organisations, et de leur responsabilité, que je veux interroger dans les mois à venir. Qui se doit de porter la vision que nous voulons défendre?

Dans The Myth Gap: What Happens When Evidence and Arguments Aren’t Enough, par Alex Evans, l’auteur démontre qu’il nous manque des mythes, des histoires sur la base desquelles construire nos actions. Il y a une expression qui dit : « si les faits prouvent, les histoires font bouger ». Fort de plus de vingt ans d’expérience en tant que conseiller politique dans le domaine du climat et du développement, Evans se concentre sur l’idée que ce ne sont pas les gens qui façonnent les histoires, mais plutôt nos histoires qui nous façonnent en tant que personnes. Il nous met au défi d’utiliser notre capacité à raconter des histoires collectives pour imaginer un récit dans lequel nous pourrions vivre dans les limites de l’environnement, en partageant des dialogues de rédemption, de restauration et de renouvellement, pour nous aider à trouver notre chemin en ces temps incertains.

Et si les organisations, y compris les entreprises privées, prenaient ce rôle de porteuses de vision? Cela implique d’aller encore au-delà des pratiques de responsabilité d’entreprise actuelles. Il s’agit d’aller plus loin que le reporting d’indicateurs, plus loin que de simples pratiques managériales.

Il faut raconter une histoire, être capable de dire « Le monde du futur, voici comment nous le voyons, et voici comment nous comptons rendre cela réel ».

Je vais faire en sorte d’explorer ces visions dans les prochains mois, et j’espère vous trouver nombreux et nombreuses ici pour partager nos découvertes.