Empreinte carbone d’Unilever: changer les comportements?

Récemment, un tweet d’Aron Cramer – coauteur de Sustainable Excellence – a attiré mon attention. En le traduisant très librement, celui-ci disait: « 68% de l’empreinte carbone d’Unilever est liée à l’utilisation des produits par les consommateurs: cela montre la complexité qui entoure la réduction de l’empreinte CO2. La croissance sans changement de comportements n’est pas envisageable. »

Unilever cfootprint

A vrai dire, j’ai été intéressé par deux éléments. Le premier est ce chiffre de 68%. C’est une proportion gigantesque de l’empreinte carbone d’une entreprise! On ne trouve malheureusement que peu d’information sur le site d’Unilever. Que sont concrètement ces 68%? Et surtout, comment sont-ils calculés? Il n’en reste pas moins que ce chiffre est très élevé, principalement parce qu’il signifie qu’Unilever n’a pas d’emprise directe sur plus de deux tiers de son empreinte carbone.

C’est là qu’intervient le 2e élément qui a retenu mon intention. Aron Cramer dit qu’il faut modifier les comportements. Des consommateurs, s’entend. A mon avis, le plus grand challenge de ce début de XXIe siècle. Et surtout, cette affirmation pose la question de savoir quelle est l’influence réelle d’une entreprise – ou même des entreprises en général – sur les comportements des individus.

Comme je l’ai dit plus haut, je ne pense pas qu’une entreprise puisse avoir d’emprise directe sur le comportement des consommateurs. Mais elle peut bien sûr tenter de l’influencer. Pour tout ce qui est de l’ordre des produits de nettoyage (vaisselle, sols, etc.), par exemple, Unilever peut proposer des produits nécessitant l’usage de moins d’eau, avec un packaging recyclable (PET, carton, etc.). Mais le fait reste qu’Unilever ne peut pas aller chez chaque consommateur pour s’assurer que celui-ci trie ses déchets ou que celui-là utilise le programme « écologique » de son lave-vaisselle.

Je crois que la situation actuelle en est là: les entreprises proposent des produits « verts » sans pour autant vraiment savoir – ou sans vraiment se soucier? – si ceux-ci sont utilisés correctement. Est-ce que l’usage que font les consommateurs de ses produits est du ressort de l’entreprise? Je pense qu’il y a maintenant un palier à franchir pour réduire drastiquement l’empreinte carbone liée à l’utilisation des produits par les consommateurs. Cela passe par des changements de comportements individuels ET par la mise à disposition de produits pensés différemment.

 

Compagnies internet: quelles sources d’énergie?

Il y a quelques semaines, Greenpeace publiait un rapport sur les sources d’énergie utilisées par les géants d’internet. On le sait, pour fonctionner, la majorité des sites et réseaux sociaux que nous utilisons reposent sur d’énormes centres de données. Et ces centres de données doivent être alimentés en électricité. La question que pose Greenpeace est de savoir d’où vient cette électricité, cette énergie nécessaire au bon fonctionnement de ces services que nous utilisons presque tous. Et aussi, quelles sont les compagnies les plus « vertes » par rapport à cet aspect précis de leur business.

Sources

Comme on peut le voir sur l’image ci-dessus, le résultat n’est pas très encourageant, c’est le moins que l’on puisse dire. S’il est intéressant de retrouver 3 très grands du bon côté du spectre – Google, Apple et Facebook – que dire de tous les autres? Amazon, Twitter, Ebay, Dropbox, LinkedIn…Je dois avouer que ces noms riment – pour moi – avec « usage quotidien ».

Ce qui est le plus dérangeant dans tout cela, c’est qu’un certain nombre de ces entreprises devraient avoir vocation à améliorer l’efficacité et proposer des gains en énergie. Un service tel que Dropbox, par exemple, permet à la base d’aller dans ce sens: les données sont stockées, numériquement, sur des serveurs, et tout cela permet de ne pas acheter des dizaines de clés usb pour transporter ses données ou de ne pas échanger des centaines d’emails pour s’envoyer et se renvoyer des versions modifiées de documents. Une discussion intéressante avaient d’ailleurs été lancée sur ce blog, ici. Mais au final, ces efforts sont anéantis par le recours à des sources d’énergie dites « sales ».

Je crois qu’il est vraiment important pour ces entreprises de rester cohérentes avec l’image d’entreprise « du futur » qu’elles cherchent à donner et d’être à la pointe de la technologie. Surtout, il faut s’assurer que cet esprit « vert » soit présent à tous les niveaux de l’entreprise, et pas seulement en front-office!

Développement durable: environnement contre social

ConflitQuelques articles ont attirés récemment l’attention sur les conflits qui peuvent exister entre les défenseurs des questions sociales et ceux des questions environnementales. Un type de conflit à-priori surprenant puisque l’on pourrait se dire que les uns comme les autres défendent deux aspects d’une même idée globale: le développement durable.

Comme l’explique par exemple Tobias Webb, ce genre de conflit a pu éclater dans le cadre de lutte contre la déforestation. L’objectif, environnemental, est de faire en sorte que l’on coupe moins, ou pas, ou plus intelligemment les arbres. A cela, certains répondent: « Mais que fait-on de ceux qui les coupent? Ils n’auront plus d’emploi! ». Deux arguments qui se justifient, mais qu’il semble difficile de concilier. Un conflit qui n’avait visiblement pas été prévu, mais qui est bien réel.

Un même type de problème peut se produire dans le cadre de l’écotourisme. J’ai lu un exemple où – au Honduras – l’on avait interdit à des pêcheurs traditionnels de pratiquer leur métier afin de préserver les ressources qui rendraient la plongée plus attractive – et donc l’écotourisme également. Les pêcheurs se sont retrouvés serveurs dans les hôtels…

Mon avis est que si de tels problèmes surviennent, c’est que les solutions apportées ne sont pas réellement « durables », dans le sens où elles ne touchent pas au trois dimensions du développement durable. On ne peut pas prétendre faire du DD et « oublier » l’un des trois aspects! J’enfonce une porte ouverte, mais le développement durable – et par extension la responsabilité sociale – ne peut pas faire fi de l’une ou l’autre de ses dimensions.

Des conflits potentiels, certes, mais aussi des opportunités de créer de nouvelles alliances. Une entreprise pourrait s’allier non pas avec une seule mais plusieurs ONG représentant les divers enjeux en place. Cela pourrait même devenir la norme en vigueur: pour tout projet DD que l’on souhaite lancer, il convient de s’assurer d’avoir des « représentants » des trois dimensions.

Responsabilité sociale interne chez Honest Tea

Mission in a BottleJ’en parlais ici, Mission in a Bottle faisait partie de mes envies de lectures pour 2014. Je l’ai terminé ce week-end, et je voulais en dire quelques mots ici. Comme expliqué dans un article précédent, le livre relate les aventures des deux fondateurs d’Honest Tea. Il s’agit vraiment d’un livre expliquant comment l’entreprise a été créée avec des passages très business. Mais aussi, et c’est là tout l’intérêt du livre, les deux auteurs/fondateurs ont des valeurs fortes, et nous pouvons voir comment ces valeurs les servent tout au long de l’aventure.

L’un des passages intéressant est celui où les auteurs expliquent qu’ayant implémenté des considérations fair-trade dans leur choix de fournisseurs, il n’y avait pas de raison de ne pas appliquer les mêmes principes chez eux. Voici donc quelques mesures qu’ils ont mises en place pour investir dans leurs employés et dans leur environnement proche.

  • Créer un partenariat avec des entreprises de l’alimentaire ayant les mêmes valeurs qu’Honest Tea afin de fournir des snacks sains à leurs employés étant souvent sur la route.
  • Engager un coach en bien-être afin d’aider les employés à atteindre leurs objectifs en matière de santé (perte de poids, fitness, etc.).Honest tea coach
  • Faciliter les promotions internes pour les employés. Plus de 10% du staff a commencé comme stagiaire, y compris 3 directeurs.
  • Pour créer le sentiment de posséder l’entreprise chez les employés, chacun d’eux, après 12 mois, reçoit des stock options. De plus, lors de la sortie d’une nouvelle boisson, un employé peut choisir les 5 derniers chiffres du code-barre de celle-ci – une date d’anniversaire par exemple. Sympa!
  • Acheter des vélos pour chaque employé et installer des douches au bureau pour rendre plus attractive la mobilité douce et ainsi réduire l’impact environnemental.
  • Fournir une aide pour les frais de parking, mais donner le même montant à ceux qui viennent au travail en métro, à pied ou à vélo, afin de ne pas favoriser les conducteurs de voiture.
  • Co-fonder une initiative verte dans la ville où est implantée l’entreprise.

On remarquera qu’aucune de ces mesures n’est révolutionnaire ou très compliquée à réaliser. Mais avouez que la vue d’ensemble donne envie de travailler là-bas! Alors, qu’attendez-vous pour mettre tout cela en place dans votre entreprise?!

L’Inde fait passer la première loi sur la responsabilité sociale

Une loi sur la responsabilité sociale, dites-vous? Cela peut paraître étrange, voire antinomique, mais c’est bien ce qui s’est passé en Inde. Tout cela soulève bien des questions, mais regardons tout d’abord de plus près ce qu’il en est.Business law

Le principal point est que cette loi requiert de toute entreprise – tout du moins celles ayant une certaine stabilité financière – de dépenser au moins 2% de leur profit annuel dans des initiatives de type RSE. La portée de ces initiatives reste assez floue, toutefois cela doit toucher à des domaines tels que l’éradication de la faim et de l’extrême pauvreté, la promotion de l’éducation, assurer la durabilité environnementale, etc.

La loi implique aussi la création d’un comité RSE au sein de l’entreprise, ainsi que de nombreuses recommandations sur le recours à des auditeurs. De même, et c’est intéressant, il est prévu des sanctions à l’égard des entreprises qui ne respecteraient pas ces obligations. Je n’ai pas eu les détails sur les conséquences exactes d’une infraction à cette loi, mais, comme pour toute loi, il est prévu de prendre des mesures à l’égard de ceux qui ne la respecteraient pas. Quelques informations supplémentaires ici.

Je l’avais déjà évoqué dans un article précédent, je ne suis pas entièrement convaincu par cette idée de rendre la RSE obligatoire. Pourra-t-on encore parler de responsabilité sociale? Je me mets souvent l’accent sur la nécessité d’aller au-delà de la « compliance », au-delà des exigences des lois, pour toute entreprise désireuse de devenir « responsable ».

D’un autre côté, la relativement grande liberté laissée dans le choix des projets dans lesquels investir laisse une certaine marge de manœuvre, voire presque un côté volontaire à la démarche. Chaque entreprise pourra décider comment dépenser cet argent, et cela aura un vrai impact sur l’aspect véritablement responsable ou non des initiatives.

Enfin, je dirais qu’à force d’utiliser des carottes pour promouvoir la RSE – retour sur investissement, amélioration de l’image, attraction de talents, etc. – il serait tout aussi bon de pouvoir avoir recours au bâton. C’est ce qu’une loi, avec ses sanctions, va permettre de faire.