Interview – Pumpipumpe et l’économie du partage

00pumpipumpe_LogoAujourd’hui, j’ai le plaisir de poser quelques questions à Sabine Hirsig, de Pumpipumpe – à prononcer « Poumpipoumpé », pour nos lecteurs n’ayant pas de notions d’allemand!

Pumpipumpe, qu’est-ce que ça veut dire? « Prête-moi ta pompe », et ça résume très bien ce qu’ils proposent. Sur leur site, vous pouvez passer commande de toutes sortes d’autocollants représentant des objets (pompe à vélo, mixer, tente, livres, etc.), autocollants que vous pourrez coller sur votre boîte aux lettres. Pour quoi faire? Tout simplement pour signaler à vos voisins quels sont les objets que vous êtes disposés à prêter. Simple, et génial!

Travaillant beaucoup sur l’économie du partage en ce moment, c’est tout naturellement que j’ai contacté Pumpipumpe (leur page Facebook ici) pour leur proposer un interview. Sabine Hirsig a très gentiment répondu aux questions ci-dessous.

Qu’est-ce qui vous a amené à lancer ce projet?

Le départ de notre projet s’est fait sur plusieurs observations. Tout d’abord, celle selon laquelle nous possédons beaucoup de choses, voire trop! Cette multiplication d’objets mène à un certain encombrement. De plus, la plupart de ces objets que nous possédons ne sont finalement que très peu utilisés. L’idée nous est donc venue qu’il serait bon de partager ces objets entre voisins, dans un esprit de proximité.
Une autre observation que nous avons faite est que l’on connait peu nos voisins! Les gens ont souvent peur d’aller parler à des inconnus, et encore plus d’aller demander à son voisin s’il a un mixer à nous prêter. Nous avons donc voulu encourager les rencontres entre personnes vivant dans une certaine proximité.
Enfin, nous avons constaté que des plateformes d’échanges existaient déjà sur internet, mais nous avons voulu faire quelque chose de concret, local, et « offline »!

Selon vous, l’économie du partage est-elle sociale avant d’être économique?

Nous ne cherchons pas à mettre l’accent sur l’une ou l’autre des dimensions du développement durable. Ce que nous cherchons avant tout, c’est à atteindre les personnes de façon sympathique. Nous voulons qu’un maximum de personnes s’identifient à notre démarche; et souhaitons susciter la communication entre voisins.
C’est aussi dans cet esprit de rapprocher les gens que nous proposons nos autocollants gratuitement: pour que le projet se répande de manière locale. D’abord dans une rue, c’était notre objectif de départ, puis le projet a pris une toute autre dimension, internationale! Par la gratuité, nous voulions éviter un maximum d’obstacles dans la diffusion de nos autocollants. C’est plutôt réussi!

Avez-vous envisagé de proposer des autocollants portant non pas sur des objets mais sur des choses intangibles (compétences, cours, baby-sitting, etc.)?

Nous avons reçu beaucoup de demandes allant dans ce sens! Les gens nous ont demandé de leur envoyer des autocollants personnalisés: pour des compétences spécifiques, pour des « bras forts », pour promener un chien, ou simplement pour du temps libre!
Toutefois, pour l’instant, nous aimerions nous concentrer sur les objets. Nous pensons aussi que l’échange de ce genre de service relève du spontané, que cela doit survenir dans la discussion. Une discussion peut-être suscitée par l’échange d’objets!

Avez-vous eu des contacts avec des entreprises intéressées à des partenariats?

Nous avons eu des contacts, mais rien de concret pour l’instant. De nombreuses entreprises sont intéressées par ce que nous faisons! Nous avons par exemple été contactés par un fabricant de boîtes aux lettres, qui aimerait associer son produit au nôtre.
Nous avons aussi établi un partenariat avec l’entreprise LifeThek (bibliothèque d’objets de la vie de tous les jours), à Hambourg, qui nous aide à diffuser nos autocollants en Allemagne.
Mais il est vrai que cette économie du partage est sans doute une direction que devrons prendre les entreprises. Les gens ne veulent plus posséder: il veulent avoir accès à des choses, à des services, sans nécessairement « avoir » l’objet en question. Ce qui compte de plus en plus, c’est l’expérience de l’utilisation.
Dans le même ordre d’idée, de plus en plus de gens ne cherchent pas à montrer leur statut social à travers ce qu’ils possèdent. Ce qui compte vraiment, c’est l’expérience que l’on a, que l’on vit.

En admettant que vous n’ayez aucune contrainte (argent, temps, etc.), quel projet lanceriez-vous?

Nous avons vraiment été surpris par le succès de notre projet. Le nombre de retours positifs, de commentaires enthousiastes est purement incroyable! A cette occasion, nous avons découvert cette « sharing economy ». Nous avons pu constater qu’il s’agit d’un véritable courant de pensée, qui va au-delà de notre intuition selon laquelle nous n’avons pas besoin de posséder tous ces objets et qu’il serait sympathique de partager avec ses voisins.
Sur la base de ça, les perspectives qui s’ouvrent sont immenses! Nous aimerions continuer à explorer cette économie du partage, car il y a plein d’autres choses à faire! Nous aimerions aussi garder cette ligne de conduite qui est la nôtre: faire des projets simples et faciles à mettre en place. Pumpipumpe est une idée toute simple, et elle a eu beaucoup de succès. Les deux choses sont liées, c’est certain!

Merci, Sabine! J’espère que vous, lectrices et lecteurs, avez eu autant de plaisir à lire cet interview que moi à le mener.
Avant de terminer, sachez que Pumpipumpe est à la recherche de sponsors, partenaires ou simplement donateurs. N’oubliez pas que leurs autocollants sont gratuits! Alors si vous connaissez quelqu’un qui pourrait être intéressé à faire un partenariat avec eux, faites-moi un petit message et je vous mettrai en contact avec Sabine; ou envoyez-leur directement un message!

Chiffres et idées sur la responsabilité sociale

En août de cette année, Grant Thornton – une compagnie d’audit et de conseil – a publié un rapport sur la responsabilité sociale. Dans Corporate Social Responsibility: beyond financials, la branche britannique du groupe nous propose une analyse de la RSE dans le monde. Ne ne sont donc pas moins de 2500 entretiens qui ont été menés avec des leaders issus de 34 pays.

J’ai été interpelé par deux graphiques que l’on trouve dès l’executive summary de l’étude:

RapportLe premier de ces graphiques nous dit quelles sont les principales motivations poussant les entreprises à adopter des pratiques responsables. La gestion des coûts arrive en première place, suivie de la demande des clients, le fait que c’est « la bonne chose à faire », puis la gestion de la marque.

Si l’on me permet de regrouper deux catégories en une, la 2e et la 4e, on se retrouve avec 3 motivations principales qui sont: gestion des coûts, éthique, et image.

Je trouve intéressant de voir que « la bonne chose à faire » ne récolte que 62% de mention. Ce qui signifie surtout que 38% des interviewés ne voient pas cela comme l’une des motivations principales. Même si je ne suis pas dupe, je trouve que c’est beaucoup. Cela rejoint le débat de la semaine passée: la responsabilité sociale est motivée par deux aspects, l’éthique et les considérations purement « business ». Deux aspects à-priori complémentaires, mais qui, à en croire les chiffres avancés par Grant Thornton, ne vont pas nécessairement de soi pour nombre de dirigeants.

Dans l’autre graphique, on peut voir quelles sont les principales initiatives entreprises par les compagnies. Plus précisément, il s’agissait de répondre à la question « Parmi les initiatives suivantes, lesquelles avez-vous entreprises l’année précédente? »

Là aussi, j’ai été frappé par la nature des réponses: sur les 6 initiatives clés qui ressortent, 3 n’auraient pas leur place dans ce que je considère être de la RSE. Donner de l’argent, ou des produits/services à des charités, de même que participer à des activités de type est tout à fait louable, certes, mais ce n’est selon moi pas de la RSE. C’est de la philanthropie d’entreprise. Et ce type d’initiative a donc été cité plus souvent que d’autres qui n’apparaissent pas sur le graphique ci-dessus, telles que par exemple utiliser des produits ou services locaux, issus du commerce équitable, ou bio; ou alors changer des produits ou services pour réduire leur impact social.

Encore une fois, je n’ai rien contre la philanthropie d’entreprise, mais ce n’est à mon sens pas comme cela que l’on a le plus grand impact, que l’on fait changer les choses. Alors quand je vois que seuls 3 des 6 initiatives citées par des hauts dirigeants comme étant clés pour leur responsabilité sociale sont véritablement du ressort de la RSE, je m’interroge!

Et vous, que vous inspirent ces chiffres? Optimisme, pessimisme, scepticisme?

 

Les heures de bureau de la responsabilité sociale

Meeting tableA l’occasion de cette « rentrée » de septembre, j’aimerais relancer un projet lié à ce site: celui des « Office Hours ». Le concept est simple: un lecteur, fidèle ou occasionnel, a une question sur la RSE, il me la transmet et je la pose ici sous forme d’article. A partir de là, la communauté de lecteurs commente l’article en y apportant des propositions de réponses, des suggestions, des références, etc.

L’idée est vraiment d’utiliser nos compétences pour s’aider et se conseiller mutuellement. Il y a en effet de plus en plus de lecteurs et lectrices abonnés à ce site, et je suis sûr que chacun et chacune est disposé à partager un peu de son expérience!

Que vous soyez un professionnel de la RSE ayant besoin d’un regard neutre sur une situation à laquelle vous faites face, une manager confrontée à un problème de responsabilité sociale, ou encore un étudiant à la recherche de pistes, n’hésitez pas à me transmettre vos questions par mail ou en commentaire!

La démarche peut être anonyme si nécessaire!

Cumulus Green: Migros vise juste

En cette fin de mois de juin, les possesseurs d’une carte Cumulus – la carte de fidélité de la Migros – ont eu le plaisir de découvrir une nouvelle facette de ce programme. Il s’agit de Cumulus Green. En quelques mots, cela permet de savoir à combien se monte la part de nos achats munis d’un label durable. J’avoue avoir été très intéressé par mon score et m’être rué dessus aussi vite que possible.

Cumulus GreenJ’avoue aussi avoir été un peu déçu de n’être qu’à 8.5%! Très clairement en dessous de la moyenne nationale!

Cette initiative est le résultat d’un partenariat avec le WWF. On ne sait pas exactement pourquoi, mais admettons.

Je dois dire que je suis très favorable à ce genre d’initiative; aussi bien d’un point de vue personnel que d’un point de vue RSE. Je voudrais ici simplement soulever trois points de réflexion:

  1. Un excellent aspect du programme est que chaque individu peut se fixer un objectif pour 2014. J’ai personnellement fixé un objectif à 25%. Mais une question se pose: une personne se fixant un objectif à 100% pourrait-elle le faire? En d’autres termes, l’offre de produits responsables de la Migros est-elle suffisamment large? J’ai quelques doutes à ce sujet, mais espérons que la Migros va être poussée à élargir son offre.
  2. Parlant d’objectif, il est intéressant de noter qu’en cherchant à consommer 25% de produits responsables, je cherche à consommer 25% de produits plus chers. La Migros trouve très clairement son compte par rapport à tout cela.
  3. Il est important de noter que Cumulus Green permet de savoir quelle est la part de nos achats portant un des labels ci-dessus. Ni plus, ni moins. Avoir un pourcentage élevé ne signifie pas nécessairement que l’on a une consommation responsable, même si cela y contribue. On ne nous dit rien sur nos habitudes de consommation: ai-je acheté beaucoup de produits à usage unique? Ai-je acheté des produits ayant un packaging intelligent – sans emballages individuels par exemple? Dans le même ordre d’idée, on soulignera que s’ils sont responsables, ces achats n’en restent pas moins…des achats! On consomme des produits neufs, qui ont un impact certain sur l’environnement.

A première vue, il s’agit d’une excellente initiative! J’espère simplement qu’elle n’est qu’une étape, et non pas une fin en soi, car il reste encore beaucoup à faire.

Coupe du Monde de football: un sentiment mitigé

Aujourd’hui débute la Coupe du Monde de football au Brésil. Un événement attendu depuis 4 ans! Personnellement, je l’ai attendu avec impatience, mais j’avoue être aussi de plus en plus dubitatif sur ce que représente cet événement. J’en parlais dans un article présentant ce que je pensais comme les tendances pour 2014, sport et responsabilité sociale pourraient bien être au centre des débats.

Pour ce qui est de la Coupe du Monde, c’est l’aspect social qui est beaucoup mis en avant par les médias, avec notamment les nombreuses manifestations de brésiliens « hostiles » à l’organisation de cet événement alors que les fonds utilisés auraient pu l’être pour d’autres choses telles que des infrastructures, l’éducation, des soins, etc.

Il n’en reste pas moins que c’est la responsabilité sociale de l’institution qu’est la FIFA qui est soumise à rude épreuve. Plutôt que de m’épancher sur tout ce qu’il y a à dire, je vous renvoie à cet vidéo, aussi drôle qu’instructive:

 

Alors oui, mon sentiment est double: je suis impatient de regarder cette Coupe du Monde, mais je suis de plus en plus dégoûté par ceux qui l’organisent. Un exemple qui en dit long sur le fait qu’une organisation peut avoir une mission des plus honorables qui soient – celle de la FIFA est de « Développer le football partout et pour tous » – tout en donnant l’image d’une institution corrompue.

Et vous, seriez-vous prêt à boycotter un tel événement, car il n’est pas socialement responsable?