En ce mois de janvier 2015, nous avons appris qu’une association s’était créée – « Initiative pour des multinationales responsables » – avec pour but de lancer une initiative populaire à ce propos. Pour les non-helvètes d’entre vous, et pour faire très très court, cela signifie que des citoyens se donnent la possibilité de soumettre une proposition à la votation populaire afin qu’elle devienne une loi.
L’objectif de cette proposition est donc que les entreprises suisses respectent les droits humains et les standards environnementaux, aussi dans leurs activités à l’étranger. Cet objectif repose sur la Stratégie Ruggie, les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, promulgués par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies.
Je voulais soulever ici quelques questions. La première: quid des PME? On nous dit que l’initiative vaut pour toutes les entreprises suisses, mais qu’elle tiendra compte compte des risques spécifiques présentés par les entreprises, ce qui signifie que la grande partie des PME ne sera pas concernée. Certes, mais en même temps, n’importe quelle PME se fournissant, ne serait-ce qu’en partie, à l’étranger peut être mise face à des problèmes relatifs aux droits humains. Les PME dans cette situation ne sont pas si peu nombreuses que ça. Il est central de clairement situer où se trouve la limite. On pourrait imaginer un cas extrême où l’on pourrait reprocher à une entreprise de fournir à ses employés des smartphones dont on sait que nombre des composants sont extraits dans des conditions tout sauf humaines. Si cet exemple est absurde (encore que…), il n’en convient pas moins de se poser la question de savoir où s’arrête la responsabilité des entreprises. Une question redondante pour les habitués de la RSE, mais qui là va se retrouver confrontée au grand public.
Un autre enjeu est bien sûr celui de savoir si la responsabilité sociale des entreprise doit être soumise à la loi. On parle de loi sur la responsabilité sociale en Inde, mais n’est-ce pas simplement de la compliance? Et surtout, si cette initiative devient une loi, comment la faire appliquer concrètement? Le travail de vérification et d’audit risque d’être énorme. Et ces audits devront être menés à l’étranger – par qui? – cela ne posera-t-il pas des problèmes de souveraineté, ou du moins cela pourra paraître intrusif. Et même si l’on s’en tient strictement à la loi en Suisse, nombreux seront les économistes qui présenteront cette initiative comme présentant un risque de faire fuir les multinationales concernées. Je ne suis pas certain que cela arrivera – je vois mal une entreprise fuir ses responsabilités sans faire subir de sérieux dégâts à son image – mais cet aspect ressortira dans les débats.
Débats qui s’annoncent passionnants! Je ne cache pas mon enthousiasme pour cette initiative, et je dois dire que je suis fier de vivre dans un pays donnant la possibilité à son peuple de voter sur de tels sujets, comme nous avions déjà pu le faire en 2013 avec l’initiative Minder. La communication autour de cette proposition pour des multinationales responsables devra toutefois être très affutée! L’ironie veut que cette initiative ait vu le jour pratiquement en même temps que la commission des lois de l’Assemblée nationale française rejetait une proposition de loi s’y apparentant…
Sur Twitter, je recommande les comptes de la Déclaration de Berne, de Géraldine Viret, et d’Yvan Maillard, pour suivre au plus près les avancements de cette affaire.
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